Le récit contenu dans ce livre est un récit oral, transmis de générations en générations (de pères en fils) par les griots du Manding. L’auteur lui-même l’a reçu du griot Djeli Mamadou Kouyate. Il est important de noter que tout n’a pas été dit car « Toute science véritable doit être un secret ».
 
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LA PAROLE DU GRIOT MAMADOU KOUYATÉ

La tribu Kouyate (celle du griot qui conte cette histoire) a toujours été au service des princes Keita (tribu de Soundjata) du Manding. Ils connaissent l’histoire depuis les temps immémoriaux. Ils connaissent comment les tribus se sont formés, l’histoire de chaque membre des lignés royales depuis les origines.



LES PREMIERS ROIS DU MANDING

[…] L’arrière grand-père de Soundjata, Mamadi Kani fut un roi chasseur comme les premiers rois du Manding.

Maghan Kon Fatta, roi de Niani et père de Soundjata, réputé dans tous le pays pour sa beauté eut trois femmes et six enfants. « Trois garçons et trois filles : sa première femme s’appelait Sassouma Bérété, fille d’un grand marabout, elle fut la mère du roi Dankaran Touman et de la princesse Nanan Triban ; la seconde femme, Sogolon Kedjou est la mère de Soundjata et de deux princesses, Sogolon Kolonkan et Sogolon Djamarou ; la troisième femme est une Kamara, elle s’appelait Namandjé, elle fut la mère de Manding Bory ou Manding Bakary qui fut le meilleur ami de son frère Soundjata. »


LA FEMME BUFFLE

Une fois, alors que Maghan Kon Fatta était assis sous son baobab, il reçu un chasseur et devin. Ce dernier lui prédit les conditions dans lesquelles il rencontrerai la mère de son successeur (il était déjà marié) celui qui rendrai le Manding immortel à jamais. Il lui indiqua également les sacrifices à faire pour que cela se produise.

Quelques temps plus tard, tout se passa selon la prédiction du chasseur, et Maghan Kon épousa Sogolon.


L’ENFANT LION

Sogolon conçut, sa grossesse lui attirait toute l’attention du roi. La première épouse, Sassouma Bérété avait peur que son fils qui avait déjà huit ans soit déshérité.

Sogolon enfanta un fils auquel on donna le nom Maghan Mari-Djata (bien qu’on l’appela quotidiennement Sogolon Djata, du nom de sa mère)


L’ENFANCE

Dieu a ses mystères que personne ne peut percer. Tu seras roi, tu n’y peux rien, tu seras malheureux, tu n’y peux rien. Chaque homme trouve sa voie déjà tracée, il ne peut rien y changer.

Sogolon Djata eu une enfance difficile. A trois ans, il ne parlait ni ne marchait pas. En plus de cela, il était bien différent de ceux de son âge ; il parlait peu, son visage sévère n’était jamais détendu par un sourire. On eût dit qu’il pensait déjà ; ce qui amusait les enfants de son âge l’ennuyait. Plus tard, comme il est de coutume, son père lui confia son griot – Balla Fasséké – fils de son propre griot Doua.

Le temps passa, Sogolon conçu deux filles.


LE RÉVEIL DU LION

Le père de Sogolon Djata mourut quand ce dernier avait sept ans. On ne tint pas compte du testament et au lieu d’introniser le fils de Sogolon, on intronisa son grand-frère Dankaran Touman (le fils de huit ans). A cet âge Sogolon Djata ne savait toujours pas se servir de ses jambes (il ne marchait pas) mais parlait déjà.

Sogolon Djata, ses sœurs et sa mère souffrait des affres de la mère du nouveau roi. Un jour alors que ça mère ne put se retenir après une nouvelle frustration subit à cause de quelques feuilles de baobab, l’inattendu se produisit.

« Eh bien, je vais marcher aujourd’hui, dit Mari-Djata. Va dire aux forgerons de mon père de me faire une canne en fer la plus lourde possible. Mère, veux-tu seulement des feuilles de baobab, ou bien veux-tu que je t’apporte ici le baobab entier ? »

Grâce à la canne, il réussi à se mettre debout, tout frêle ; la canne se courba sous son poids au point de devenir un arc. Il alla arracher un baobab qu’il planta dans la cour de sa mère.

Depuis ce jour, la popularité de Sogolon Djata ne cessa de croître et sa mère devenait de plus en plus respectée.


L’EXIL

Sentant l’influence négative sans cesse grandissante de la reine-mère et son attitude négative, Sogolon décida de s’exhiler avec sa famille et Manding Bory, fils de la troisième femme de son feu mari. Sogolon Djata s’en alla sans griot car séparé de celui à cause d’une manigance du roi. Sept années passèrent.

Sogolon et ses enfants s’arrêtèrent à Djedeba chez le roi Mansan Konkon le grand sorcier. Ce roi était connu pour être invicible au jeu de Wori. Le roi invita Djata à jouer :

« Assieds-toi, dit le roi. Chez moi j’ai l’habitude d’inviter à jouer mes hôtes, nous allons donc jouer, nous allons jouer au wori. Mais j’ai des conditions peu communes : si je gagne – et je gagnerai – je te tue. »

En fait le roi avait été corrompu par la coépouse de Sogolo pour tuer Djata. Mais le secret de la victoire du Roi avait été révélé par sa propre fille à Djata. Le Roi perdit donc la partie mais ne fût pas tué.

Sogolon et ses enfants s’exilèrent ensuite vers l’ouest, ils demandèrent l’hospitalité au roi de Tabon dans le pays qu’on appelle aujourd’hui Fouta Djallon. Le roi était depuis

longtemps allié de la cour de Niani ; son fils Fran Kamara avait été un des compagnons de Soundjata. Mais le roi de Tabon était déjà vieux et il ne voulait pas se brouiller avec celui qui régnait à Niani. Il accueillit Sogolon avec bonté et il lui conseilla d’aller le plus loin possible ; il lui proposa la cour de Wagadou dont il connaissait le roi.

Arrivé à Wagadou, Sogolon tomba malade. Elle est redirigée vers Méma pour se faire soigner.

C’est à Mema que Soundjata et son demi-frère et ami Manding Bory firent leurs premières armes. Soundjata,vif et puissant fut plus tard nommé vice-roi de Méma. Il avait 18 ans.


SOUMAORO KANTÉ, LE ROI-SORCIER

Entre temps, tout le Manding avait été conquis par Soumaoro Kanté, roi de Sosso et puissant sorcier. Balla Fassaké s’était fait surprendre dans la chambre à fétiches de Soumaoro ; pour sauver sa peau, il improvisa une chanson qui plut au roi de Sosso et celui-ci en fit son griot.


HISTOIRE

Aux yeux des griots l’écriture dénature la science. Car tout ce qui est écrit est accessible à tout le monde or la vraie science est secrète. D’où le caractère sacré de la transmission orale du savoir dans la tradition africaine.

Au moment donc de revendiquer son trône, Soundjata devait affronter Soumaoro qui avait conquis le pays Manding. La population s’étant réfugiée en brousse pour organiser la résistance consulta les devins. Ceux-ci affirmèrent que l’héritier légitime était l’homme aux deux noms : Maghan Mari-Djata.

On envoya donc des équipes à sa recherche. Le périple dura deux mois , on le trouva et lui expliqua la situation. Il décida donc de partir reconquérir son trône. Mais avant, il donna les derniers honneurs à sa mère – qui venait de mourir – en grande pompes.

 

LE RETOUR

Les rois de Mema et de Wagadou donnèrent chacun la moitié de leur armée à Soundjata pour aller combattre Soumaoro. Ce dernier ayant envoyé son fils barrer la route à Soundjata, on en fit qu’une bouchée. Plus tard, ce fût au tour du père de connaître la défaite.

Après cette défaite, Soumaoro rentra dans son royaume rassembler des troupes pour la dernière bataille. Il la perdit et sa sorcellerie fut vaincu car sa femme mariée de force, (demi-sœur de Soundjata ) avait trahi son point faible à son frère. Après la défaite de son roi, la cité de Sosso fût détruite.

Soundjata libéra tous les royaumes sous le joug de Soumaoro. En guise de reconnaissance, les souverains de ces différents royaumes et des royaumes voisins prêtèrent allégeance au fils de Sogolon.

Ainsi naquit le grand empire Manding dont l’écho subsiste jusqu’à nos jours.


LE MANDING ETERNEL

Il est indéniable que cette histoire réelle qui a traversée des générations garde aussi son lot de secrets. L’auteur du livre reprend les termes du griot « Entre leurs mains j’ai prêté serment d’enseigner ce qui est à enseigner, et de taire ce qui est à taire. » Et pour le profane qui aimerait se forcer à percer les mystères du Manding il est dit :

Mais malheureux, n’essaie point de percer le mystère que le Manding te cache ; ne va point déranger les esprits dans leur repos éternel ; ne va point dans les villes mortes interroger la passé, car les esprits ne pardonnent jamais : ne cherche point à connaître ce qui n’est point à connaître.